Jacques Darras
hêtres
ce n’est pas de l’ombre qu’il y a entre les hêtres
car les hêtres sont trop élevés leurs cimes trop proches
du ciel pour exclure tout à fait la lumière
de leur entourage mais à travers
le tissu végétal qui recouvre très haut la convergence
des troncs et qui donne du jour une version solaire
unanime sur le revers des feuilles en transparence
desquelles le ciel se présume jaune la lumière se
décompose laisse les marques de sa provenance astrale
à la lisière enfeuillée de la terre
cependant que le peu de rayons obliques
qui poursuivent son voyage plus avant jusqu’à la terre réelle
la terre noire entre les racines se diffusent
tout à coup pèsent d’une gravité de brume de sorte
que le corps transparent qui rend toute chose visible
devient visible à son tour au moment même de perdre de son
efficacité la lumière meurt au ciel mais advient
à la terre qui la colonise subtilement
qui la colore en bleu et vert au bain de
ses mares emplies d’une macération de faînes
l’eau monte comme par un chaume et nous buvons
cette humeur lumineuse qui ne s’appelle ombre
que par manque d’une détermination