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Jérémie Tholomé

Le Grand Nord (extrait)

Dans le Grand Nord

 

L’algèbre est coupable de fautes d’orthographe / On déambule dans nos espaces de couloirs vides / En éructant l’arithmétique des courants d’air / Et les inuits s’endorment au son de la rhétorique des cravates en plastique

 

Les baleines synthétiques font la course avec les morses synthétiques / On injecte du sang électronique dans de la neige d’occasion / En priant tout un tas de dieux remasterisés par des terroristes professionnels / Et les poètes blafards meurent d’une forme rare de lèpre auto-immune

 

Les pains de luxe oublient qu’ils sont voués à rassir quoi qu’ils en disent / On roule sur des autoroutes bâties sur le dos de mille chiens morts / En réchauffant les revers de nos médailles à l’ombre d’ampoules connectées / Et des cendres résiduelles des bannis de la dernière rentrée littéraire

 

Les ours polaires ont le cœur tétraplégique / On s’incline devant la toute-puissance des bourrasques de balles perdues / En marchant dans le cynisme terminal de nos prairies de béton / Et un enfant famélique ferme les yeux à chaque mot que je prononce

 

Les ingénieurs isolent les volcans d’uranium avec du boulgour / On digère la fatigue des souvenirs de miroirs déformants / En écoutant les échos supposément antalgiques des espaces verts / Et le cliquetis des pinces des crabes dans leurs tentatives de remonter le temps

 

La dérive des continents est une autre forme de voyage organisé / On affirme notre supériorité perpétuelle / En colorant les lacs gelés des teintes amarantes de génocides d’espadons / Et les gourous du ventre plat contemplent leur empire de papier glacé

 

La quiétude des étendues blanches est une promesse prononcée les doigts croisés / On se souhaite la bonne année comme on aime à porter des fripes délicieusement vintage / En oubliant que nos banquises se nourrissent aussi des cris de mères désenfantées / Et que des pères meurent de rafales de bouchons de liège tirés à bout portant

 

(…)

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